COURS D'HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE MARIE

Auteur : Jean Coste S.M.


QUINZIÈME CONFÉRENCE
MISSION DE LA SOCIÉTÉ DE MARIE

 

Poursuivant l'étude des idées directrices du P. Fondateur sous son généralat, on abordera dans cette conférence un aspect intimement lié au précédent, mais que l'analyse amène à distinguer, en l'espèce la mission de la Société de Marie.

Tout ce que l'on a vu la dernière fois, en effet, sur le choix fait par Marie d'une famille à laquelle elle a donné son nom et qui en retour se consacre totalement à elle, pourrait très bien servir de base à la spiritualité d'un ordre strictement contemplatif. Il n'y a là, en tout cas, rien qui soit caractéristique d'une congrégation adonnée comme la nôtre aux ministères les plus actifs. Les grands thèmes fondamentaux du P. Colin n'auraient-ils donc aucun rapport direct avec les tâches apostoliques qui attendent les Maristes? Il n'en est rien: c'est précisément sous cet aspect de la mission de la Société que la pensée du fondateur et notamment sa vision mariale du monde s'avèrent les plus originales.

On se bornera ici à rappeler les grandes lignes de sa pensée sur ce point, renvoyant pour le détail à la série d'articles parus dans les Acta S.M. sous le titre Marie dans l'Eglise naissante et à la fin des temps (t. 5, pp. 262-280, 418-450; t. 6, pp. 52-86, 178-196).

 

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MISSION HISTORIQUE DE MARIE

On sait que l'époque où grandit et étudia Jean-Claude Colin est considérée comme celle où la théologie mariale atteignit son niveau le plus bas. Pratiquement, le séminariste puis le vicaire de Cerdon tira ses connaissances en mariologie d'auteurs spirituels du XVIIe siècle, un Poiré, une Marie d'Agreda, qui lui présentaient avant tout les excellences et les grandeurs de la Reine du ciel et baignaient dans un climat de prodiges et de merveilleux. Ce n'est donc pas de la figure humaine de Marie que partait le P. Colin mais de la considération de sa toute-puissance et de sa supériorité sur toutes les autres créatures (cf. Acta S.M., t. 6, pp. 58-60).

Toutefois, le P. Colin, tout comme un s. Grignion de Montfort et un P. Chaminade, ne se contenta pas de souligner cette grandeur et cette supérìorité de Marie sur le plan ontologique. Il la plaça spontanément sur le plan de la mission, sur le plan du rôle joué par Marie dans l'histoire de l'Eglise, et notamment aux deux moments privilégiés de cette histoire, le début et la fin.

On connaît la formule par laquelle le P. Pondateur résumait cette intuition: « J'ai été le soutien de l'Eglise naissante; je le serai encore à la fin des temps ». Cette phrase mise sur les lèves de la Vierge, il la rapportait à une mystérieuse révélation antérieure à la diffusion du projet de Société de Marie au grand séminaire et qui très probablement n'est autre que la révélation faite au Puy, le 15 août 1812, à M. Courveille (ibid. t. 5, pp. 274-280).

Il s'en faut cependant que la conception que le P. Colin se faisait de cette mission historique de Marie ait reposé uniquement, voire même principalement, sur cette révélation. La double affirmation d'un rôle prééminent de Marie dans l'Eglise naissante et dans les derniers temps jouissait d'une base traditionnelle non négligeable.

Pour ce qui est du rôle joué par Marie dans l'Eglise primitive, on ne peut que rappeler les développements du moyen âge sur Marie magistra apostolorum, idée qui débouche, après la Renaissance, sur celle d'un rôle directeur de Marie vis-à-vis des apôtres (ibid. t. 5, pp. 418-428). Bien que dépourvues de réel fondement scripturaire, ces intuitions de la tradition correspondent à une vérité très profonde que la théologie contemporaine commence à remettre en valeur, à savoir celle de Marie considérée comme âme et figure de l'Eglise parce qu'ayant possédé en plénitude la charité et vécu plus intensément qu'aucune autre le mystère chrétien (ibid., t. 6, pp. 178-186). En ce sens-là, il est certain que Marie ne peut avoir manqué d'influer, fût-ce d'une manière invisible, sur la vie de l'Eglise en son temps.

Quant au rôle de Marie à la fin des temps, il a été pressenti, avant le P. Colin, par une Marie d'Agreda, un s. Grignion de Montfort, un P. Chaminade (ibid., t. 5, pp. 430-448). Aujourd'hui, ces intuitions spirituelles commencent à retenir l'attention des théologiens (ibid., t. 6, pp. 186-190). Il est en effet dans la logique de l'amour maternet de Marie que sa sallicitude pour l'Eglise se fasse plus pressante au moment des luttes décisives que cette dernière aura à soutenir, tout comme sa prière pour chacun de nous se fait plus intense in hora mortis nostrae. Cette logique de l'amour a été bien perçue par le P. Colin, qui y a insisté à de nombreuses reprises (ibid., t. 6, p. 66).

Ainsi donc le P. Fondateur, s'insérant dans une ligne de pensée qui possède de réelles bases traditionnelles et théologiques, voyait la sainte Vierge se dégager sur le fond d'une vaste fresque historique allant des origines de l'Eglise à la fin du monde et accordait une réelle importance à ce que le P. Neubert a décrit dans un ouvrage récent comme « la mission apostolique de Marie ». C'est en relation avec cette conception du rôle de Marie dans l'histoire qu'il voyait la mission de la Société de Marie.

 

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MISSION DE LA SOCIÉTÉ DE MARIE

« Marie a été le soutien de l'Eglise naissante; elle le sera aussi à la fin, et elle le sera par vous ». Cette phrase du P. Colin, dite au chapitre de 1866, exprime bien la place qui selon lui revenait à la Société dans l'accomplissement de cette mission de Marie.

Si Marie a choisi une société dont elle a fait sa famille en lui donnant son nom, c'est pour pouvoir, à travers elle, tenir dans l'Eglise des derniers temps la place qu'elle tenait dans l'Eglise primitive. Ces hommes qu'elle a appelés et réunis, elle les envoie dans ce monde mauvais qui rappelle celui où vivaient les apôtres pour y agir comme ces derniers et elle-même l'auraient fait. Les textes cités en appendice de la présente conférence sont particulièrement significatifs à ce point de vue. Voir aussi Acta S.M., t. 6, pp. 68-72.

Cette idée se trouvait liée, chez le P. Fondateur, à la conviction que le monde se trouvait désormais proche de la fin des temps. Pareille persuasion s'explique par la nouveauté et la gravité de la crise religieuse à laquelle il assistait. Aux lendemains de la révolution française, la civilisation de chrétienté faisait place inexorablement à une société avide d'autonomie et désireuse de se construire par elle-même en dehors de l'Eglise. N'y avait-il pas là cette perte généralisée de la foi annoncée par Luc 18, 8 comme signe de la fin des temps? N'ayant guère les moyens de sentir combien la situation qu'il avait sous les yeux restait limitée dans le temps et l'espace, le P. Colin en a majoré la portée, comme l'avaient fait avant lui, dans d'autres périodes de crise, tant de saints et d'auteurs spirituels (ibid., t. 6, pp. 72-74). Cette persuasion de la proximité de la fin des temps constitue ainsi un élément caduc de sa pensée, et l'on n'est nullement obligé aujourd'hui de partager les opinions du P. Fondateur sur un point qui demeure entièrement dans les secrets de Dieu. D'autres éléments de la pensée du P. Colin, telle l'importance accordée au titre de Societas Mariae comme signe de la mission réservée à la Société à la fin des temps (ibid., t. 6, pp. 68-70), ont vieilli eux aussi.

Une fois dégagée de ses éléments caducs, l'intuition du P. Fondateur apparaît profondément vraie et riche de conséquences spirituelles pour nous. Dans la mesure, en effet, où l'on considère que la Société a été voulue de Dieu et où l'on s'efforce de discerner ce qu'il peut attendre d'elle, il est normal que l'on mette en relation le caractère foncièrement marial de la Société et les besoins du temps où la Providence a fait naitre cette dernière. Parler d'une mission de notre congrégation, c'est admettre qu'en face de ces besoins la Société de Marie, précisément parce qu'elle est rassemblée par la Vierge et qu'elle vit de sa vie, peut apporter une solution particulière. Dès le Puy (cf. doc. 718, § 5) et le grand séminaire (cf. doc. 750, § 5), cette mise en relation des nécessités apostoliques de l'heure et du caractère marial de la Société caractérisait la spiritualité mariste. En insistant sur le fait que le Mariste était envoyé par Marie, le P. Fondateur entendait donner toute son importance et sa résonance psychologique à ce fait providentiel, et il n'est pas douteux que cette intime conviction partagée par la première génération mariste explique en grande partie le dynamisme apostolique de cette dernière. Reste à voir le contenu de cette mission, c'est-à-dire en quoi, selon le P. Fondateur, l'esprit marial constituait une réponse adéquate aux besoins de son époque.

 

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CONTENU DE CETTE MISSION

Convaincu que la Société était un des instruments choisis par la Vierge pour exercer, à une période critique de l'histoire de l'Eglise, cette mission apostolique particulière qui est départie à la Reine des apôtres, le P. Colin n'a cessé d'approfondir l'un par l'autre ce que fut l'apostolat de Marie et les besoins particuliers de son temps, afin de mieux éclairer par cette confrontation la tâche spécifique de la Société.

1. Vie cachée de Marie et de l'Eglise primitive.

Le premier terme de la confrontation, c'est le mystère de Marie présente au milieu des apôtres, soutenant, dirigeant, animant l'Eglise naissante et restant cependant cachée et inconnue. On trouvera en Acta S.M., t. 6, pp. 52-58 les principales références sur cet aspect de la pensée du P. Fondateur et la citation de quelques textes. Il est certain que, dans cette évocation de la vie de Marie après l'Ascension, le P. Colin a beaucoup emprunté à Marie d'Agreda, mais l'antithèse entre l'efficacité surnaturelle de la présence de Marie au sein de l'Eglise primitive et l'obscurité de son action constitue un fait dont la réflexion contemporaine tend de plus en plus à reconnaître la richesse sprituelle.

Ce n'est pas d'ailleurs à Marie dans ce qui la distingue des apôtres que le P. Fondateur s'arrête. Beaucoup plus largement, le modèle auquel il se réfère, c'est l'Eglise primitive comme telle, dans laquelle Marie et les apôtres, vivant du même esprit, ont fait un bien immense par des moyens pauvres et tout surnaturels. C'est cette Eglise primitive que le P. Fondateur avait dès l'origine reçu « l'ordre » de prendre comme unique modèle (cf. Acta S.M., t. 6, pp. 80 et 366), et ceci donne à notre apostolat mariste un point de référence infiniment plus élargi que les rares textes du nouveau Testament dans lesquels intervient Marie. C'est tout le comportement des apôtres tel qu'il se dégage du livre des Actes qui est proposé comme exemple aux Maristes (ibid., t. 6, p. 82) et les invite à une action purement surnaturelle, ne mettant pas en évidence les personnes, ne se mêlant à aucun intérêt humain et se bornant à l'annonce courageuse du message évangélique.

C'est donc l'Eglise naissante tout entière qui fut à la fois cachée et efficace. Mais dès avant l'Ascension et la Pentecôte, l'Eglise avait commencé dans le foyer de Nazareth, où s'était trouvée réunie autour du Christ la première communauté croyante. A Nazareth, le paradoxe entre le néant humain et ce qui aux yeux de Dieu constitue les vraies valeurs, éclate d'une manière encore plus saisissante. Dès son généralat, le P. Fondateur voit dans cette maison de Nazareth le symbole des débuts de la Société de Marie et des richesses spirituelles cachées que l'on devrait trouver en elle (ibid., t. 6, pp. 322-325). Plus tard, il mettra sur le même plan vie de Nazareth et vie des apôtres comme deux mystères également expressifs de la vie mariste (ibid., t. 6, pp. 364-368), et cette perspective en partie nouvelle enrichira plus qu'elle ne la contredira l'optique du généralat, où l'accent se trouve mis sur Marie et l'Eglise.

En bref, le vrai point de référence que le P. Fondateur donne à l'apostolat mariste, c'est le mystère des origines humbles et cachées du christianisme. L'époque où la puissance de Dieu s'est manifestée de la manière la plus étonnante est en même temps celle où le dénuement de toute grandeur humaine, la pauvreté des personnes choisies et des moyens mis en oeuvre furent les plus sensibles. Ce paradoxe essentiel au christianisme éclate évidemment dans le fait même de l'Incarnation. Mais parmi les créatures, l'une d'elles l'a vécu avant toutes les autres, et, d'une manière particulièrement profonde, c'est Marie qui constitue ainsi la vraie figure de l'Eglise. Du foyer de Nazareth à la communauté apostolique de Jérusalem qu'elle anime de sa présence, l'existence de la Vierge souligne d'une manière éloquente la valeur qu'a aux yeux de Dieu une vie cachée et l'efficacité surnaturelle qui lui est attachée. C'est dans la considération de ce mystère que l'apostolat mariste vient chercher son inspiration et sa force.

2. Besoins particuliers de l'époque.

Trop pessimiste peut-être sur son époque et enclin à majorer la portée de la crise spirituelle à laquelle il assistait, le P. Fondateur n'en a pas moins fort bien saisi le problème central. Il a compris qu'une civilisation naissait dont les postulats n'étaient plus ceux de la foi.. Face à ce problème nouveau, les méthodes apostoliques des temps de chrétienté étaient à reviser. Victimes du matérialisme, de l'indifférence, de l'incrédulité (ibid., t. 6, p. 64). les hommes du XIXe siècle ne pourraient être convertis que par les méthodes qu'avaient employées les apôtres, méthodes bien adaptées à des temps difficiles où l'Eglise ne peut plus compter sur sa puissance et son autorité mais seulement sur la force de Dieu et du message évangélique.

Cette compréhension profonde des besoins spirituels de son temps, le P. Fondateur l'a manifestée dans les conseils apostoliques qu'il a donnés à ses fils. On ne s'y attarde pas ici, car ce point fera précisément l'objet de la prochaine conférence. Mais dès maintenant il fallait souligner comment la mission propre de la Société se dégage tout entière de la confrontation féconde que le P. Fondateur a opérée entre l'exemple de la vie cachée de Marie et une claire intuition des nécessités de son époque, lesquelles restent fondamentalement, on le verra, celles de la nôtre.

 

APPENDICE

Paroles du P. Colin sur la Mission de la Société

l. Extrait de MAYET, 7, 219-221.

[1] J'aime bien ce mot qu'on vient de nous dire tout à l'heure. Oui, c'est Marie qui donne à chacun sa mission, son emploi, le poste qu'il doit occuper. De même qu'autrefois son divin Fils donnait mission à ses apôtres, qu'il appellait ses amis, en leur disant: Euntes docete omnes gentes, et leur disait de se séparer, de même cette tendre Mère, à la fin des temps, nous dit: Allez, annoncez mon divin Fils au monde. Je suis avec vous; allez, nous restons unis.

[2] Eh! que craindrions-nous? Oh! soyons donc tous cor unum et anima una dans ce divin coeur, dans le coeur dc notre Mère. Oh! quel bonheur de se savoir unis, de se savoir enfans de Marie! Quand nous avons des peines, allons les déposer dans le coeur de notre Mère et disons-lui: Sainte Mère, voyez, je ne suis rien qu'une pauvre feuille que le vent agite. Un rien me trouble; le moindre mouvement me déconcerte. Oui, il faut faire un pacte avec notre Mère, il faut convenir avec elle que nos respirations et aspirations seront pour elle... Voyez, nous ne sommes rien, nous ne pouvons rien, et malheur à celui qui se croirait quelque chose. Ce serait la meilleure preuve qu'il n'est rien, qu'il n'a rien, puisqu'il n'a pas même assez de lumières pour voir son néant. Nous ne sommes rien, et cependant il semble que nous sommes appelés à de grandes choses. J'cn suis effrayé. Mais nous sommes forts de notre faiblesse. Soyons courageux; mais dans toutes nos entreprises, avant de rien faire, disons bien: O Vierge sainte, que dois-je dire? que dois-je faire? Mes bien chers frères, allez partout, allez. Marie, notre divine Mère, sera avec vous.

[3] Vous qui allez partir bientôt à ce nouvel envoi, allez en Océanie; elle y sera avec vous. Quelle satisfaction pour vous de dire, sur la terre étrangère, au milieu de vos dangers: Je suis enfant de Marie. Vous allez quitter votre patrie, vos parens, vos amis, tout, pour sauver des âmes et souffrir le martyre. Oui, si ce n'est pas le martyre du sang, ce sera le martyre de la faim, le martyre de la soif, le martyre de la chaleur, le martyre des peines, des angoisses, des larmes. Nous prierons pour vous ici.

2. Extrait de MAYET, 7. 729-732.

[1] Messieurs, je me promets une grande joie de la cérémonie par laquelle nous devons terminer cette retraite, en écrivant tous nos noms dans le ceeur que vous voulons offrir à Marie et placer au cou de son image. Ce ne sera pas une vaine cérémonie. Je me promets des grâces toutes particulièrcs de cette nouvelle consécration que nous devons tous faire de nous-mêmes; nous en avons besoin pour nos emplois, pour notre mission. Il me semble que nous allons être ensemble plus que jamais, être réunis plus que jamais dans le saint coeur de notre Mère. Ah! messieurs, c'est que nous avons à être des saints, et c'est Dieu qui doit opérer en nous ce bien; l'homme seul, que peut-il?

[2] Hélas! messieurs, en jetant les yeux sur cette petite Société naissante, je ne puis que me rappeler notre divin Maître au milieu de ses apôtres et leur donnant ses avis paternels avant son Ascension. C'est le bon pasteur avec ses enfans. Puis il monte au ciel. Mais auparavant il leur a dit: Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. Qu'elle était grande cette mission! Il s'agissait dc changer la face du monde, d'aller par toute la terre. Les apôtres ne font aucun raisonnemcnt; ils se partagent l'univers, ils se séparent... Vous savez le reste.

[3] Chers confrères, écoutez bien. Est-ce qu'il n'y a pas analogie entre la mission des apôtrcs et notre mission? D'un côté, c'est le Fils qui envoie; de l'autre, c'est la Mère, et, messieurs, l'esprit de la Mère n'est-il pas celui du Fils? C'est elle qui vous a appelés, c'est elle qui vous envoie, elle qui vous promet et vous donne son esprit. Dans ces temps nébuleux où toutes les idées de la foi sont viciées, sont détruites par le mélange qu'on en fait avec les erreurs les plus monstrueuses, nous sommes comme sur un volcan, le volcan de toutes les passions. On a des yeux et on ne voit pas, des oreilles et on n'entend pas. Les erreurs les plus absurdes passent pour des vérités. Eh! bien, c'est au milieu de ce siècle que la sainte Vierge se montre. Elle nous dit.: Mes enfans, ce n'est pas vous qui vous êtes choisis; c'est moi qui vous ai choisis. Je connais votre faiblesse, vos misères; les ennemis que vous avez à vaincre ne sont pas moins nombreux, pas moins à craindre que ceux qu'avaient les apôtres; ils sont peut-être même plus terribles, car ce siècle a abusé de bien des grâces, et rien ne dessèche tant le coeur que l'abus des grâces. Mais je suis avec vous.

[4] Ah! messieurs, qu'avons-nous à craindre? La sainte Vierge nous conduit. Elle nous dit: Je marche à votre tête. Ah! messieurs, avec cette pensée: La sainte Vierge marche avec moi, qui ne se sentirait plein d'un courage et d'une confiance à toute épreuve. Et puis, si je réfléchis au nom que je porte, quelle source d'espérance, d'assurance! Mais ce n'est pas assez du nom encore. Car je fais profession d'appartenir à Marie, et je veux faire encore plus profession d'être à elle. Je veux que mon dévouement pour elle redouble; je veux que ma dépendance d'elle soit entière, soit continuelle. Je la tiendrai toujours par la main. Dans mes embarras, dans mes difficultés, je lui dirai: Sainte Vierge, aidez-moi, je me trouble; je me jette dans le sein de votre miséricorde; aidez-moi à me retrouver moi-même.