COURS D'HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE MARIE

Auteur : Jean Coste S.M.


VINGT ET UNIÈME CONFÉRENCE
LES MINISTÈRES MARISTES SOUS LE GÉNÉRALAT
DU P. COLIN OEUVRES D'ÉDUCATION

 

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PLACE DE L' ÉDUCATION DANS LA SOCIÉTÉ AUX ORIGINES

 On ne sait si, dans les réunions des aspirants maristes au grand séminaire de Lyon en 1816, fut envisagé explicitement le ministère de l'éducation, mais c'est assez probable, vu que les premiers compagnons considéraient la Société en projet comme une réplique mariale de la Compagnie de Jésus (cf. doc. 705). En tout cas, dès le premier texte exposant les fìns de la Société, en l'espèce la lettre à Pie VII du 25 janvier 1822, l'éducation est mentionnée d'une manière très large : « Ad scientias et virtutes omnimodo puerilem aetatem informare » (doc. 69, § 3 ).

En 1829, dans les circonstances que l'on sait, Mgr Devie imposa au P. Colin de prendre le supériorat du petit séminaire de Belley, qui, deux ans plus tard, se trouva pratiquement confié à la Société comme telle. Le P. Colin devait reconnaître par la suite que l'expérience faite ainsi avait été extrêmement utile pour la Société, qui dès l'origine avait pour but l'éducation de la jeunesse (cf. doc. 698). Sur l'histoire de cette maison avant 1836, voir la 9e conférence.

Les documents présentés à Rome en 1833-34 donnent explicitement sa place à l'éducation parmi les ministères maristes (cf. docc. 294, § 9; 299, § 1 ) bien que, dans le Summarium, l'accent soit encore nettement mis sur les missions (cf. Ant. textus, fasc. l, pp. 71-73).

A la Toussaint 1834, M. Chanut, mariste du groupe de Lyon, venant à Belley pour enseigner la théologie aux premiers aspirants non prêtres de la Société, amena avec lui deux jeunes enfants désireux de suivre des classes de latin. Ce fut le début d'un petit pensionnat ouvert aux enfants des familles bourgeoises de la ville et qui atteignit jusqu'à quarante élèves (cf. doc. 747, § 6). Le P. Mayet, encore novice, en eut la direction en 1838 et 1839: les conseils qu'il reçut du P. Colin à cette occasion et qu'il nota fidèlement constituent l'une des sources pour la connaissance de la doctrine pédagogique du P. Fondateur. En 1840, ce pensionnat, la première oeuvre d'éducation fondée par la Société de Marie, dut être fermé pour faire place aux postulants qui arrivaient de plus en plus nombreux à la Capucinière.

Le 29 avril 1836, le bref Omnium gentium approuvant la Société fit mention explicite de l'éducation parmi les buts de cette dornière (cf. doc. 384, § 2), et c'est dès la règle de cette année-là, sans doute, qu'apparut le texte qui, aujourd'hui encore, consacre comme second ministère mariste le ministère des collèges (cf. Epitome, n. 5 - Ant. textus, fasc. 2 p. I6).

Malgré cette disposition de la règle, le P. Colin ne s'empressa pas de prendre des maisons d'éducation. La Société abandonna même presque entièrement, durant les années scolaìres 1836-37 et 1837-38, le petit séminaire de Belley, dont le P. Colin ne garda que la supériorité nominale. Mais à la Toussaint 1838, il fallut reprendre effectivement la charge de la maison. La Société étant encore peu nombreuse et n'ayant encore que peu de sujets préparés au ministère de l'éducation, il ne pouvait être question d'accepter d'autres collèges. Par ailleurs, l'ouverture, par des ecclésiastiques, d'une maison d'éducation était alors chose très diffìcile, et, pour comprendre dans quelles conditions le P. Colin fondera, après 1845, les premiers collèges maristes, il est indispensable d'avoir jeté au moins un coup d'oeil. rapide sur la situation de l'enseignement catholique en France à cette époque.
 

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SITUATION DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CATOLIQUE

EN FRANCE

 1. De 1808 à 1850: ère du monopole universitaire.

En 1808, Napoléon avait par décret organisé l'université impériale, lui attribuant le monopole de l'enseignement public. Aucun établissement d'éducation ne pouvait être formé hors de l'université et sans son consentement.

La Restauration maintint dans l'ensemble cet état de choses, tout en donnant à l'Eglise une influence prépondérante au sein de l'université.

A la suite de la révolution libérale de 1830, le principe de la liberté d'enseignement est inscrit dans la charte du royaume, mais ne pourra trouver son application sous la monarchie de juillet (1830-1848), par suite de l'opposition des milieux universitaires.

Sous ce régime de monopole, qui resta en vigueur darant la plus grande partie du généralat du P. Colin, il convient de distinguer quatre types d'établissements d'enseignement secondaire:

a) les collèges royaux, entièrement entre les mains de l'université;

b) les collèges communaux, dont la direction peut être confiée à des prêtres, moyennant certaines conditions; c'est ainsi qu'en 1847 la Société acceptera le collège communal de Langogne;

c) les écoles secondaires ecclésiastiques (petits séminaires), qui bénéficient d'un régime spécial; c'est le cas du collège-séminaire de Belley;

d) les établissements privés, qui ne peuvent être ouverts que sur autorisation gouvernementale, laquelle est souvent refusée, et moyennant de sévères conditions, telles que l'interdiction de posséder les classes terminales et le paiement à l'université d'une taxe équivalant à 5% de la pension des élèves. Le pensionnat ouvert à la Favorite par les frères tertiaires de M. Pompallier était de ce type, et c'est sous ce régime défavorisé que seront ouverts les collèges de Valbenoîte et de la Seyne. Quant au petit pensionnat de Tielley dont il a été question plus haut, il semble n'avoir jamais eu d'existence officielle et être demeuré en marge des lois.

2. Les luttes pour la liberté d'enseignement.

Dès 1831, par l'ouverture symbolique d'une école non autorisée suivie d'un procès retentissant qui est passé à la grande histoire, trois disciples de Lamennais : Montalembert, Lacordaire et de Coux, soulèvent devant l'opinion publique la question de la liberté d'enseignement promise par la charte de 1830 mais non accordée. La suppression. de l'Avenir, survenant peu après, interrompt cette action, et les catholiques, durant une dizaine d'années, restent sur ce point divisés et apathiques. En 1833, cependant, est consacrée la liberté de l'enseignement primaire.

En 1842-1843, une offensive idéologique contre les méfaits de l'université et du monopole est menée par les publicistes catholiques et plusieurs évêques, dont Mgr Devie. Le P. Colin se passionne alors pour cette cause (cf. JEANTIN, t. 4, pp. 247-250).

Durant les années suivantes, plusieurs projets de lois concernant l'instruction publique sont déposés mais non votés, et la monarchie de juillet tombe, en février 1848, sans que rien de positif ait été fait.

C'est sous la seconde république, le 15 mars 1850, qu'est instauré par le vote de la loi Falloux le régime de liberté de l'enseignement secondaire dont la France vit encore actuellement.

3. Le régime de liberté ( après 1850 ).

La loi Falloux supprimait le monopole de l'université en autorisant tout citoyen français à ouvrir un établissement d'enseignement secondaire moyennant quelques conditions extrêmement bénignes. L'empressement mis à profiter de la loi fut considérable. En quatre ans, 1081 établissements libres furent établis, soit par ouverture de collèges nouveaux, soit par transformation d'anciens collèges communaux en collèges libres.

La Société de Marie, qui, en 1850, commençait à posséder un personnel suffisant pour l'ouverture de maisons d'éducation, sut tirer parti de cette législation. En trois ans, le P. Colin accepta deux anciens collèges communaux (Saint-Chamond et Brioude) et la fondation d'un nouveau collège ( Montluçon ).

Ces grandes lignes une fois posées, il convient d'examiner rapidement les circonstances de la fondation des différentes maisons d'éducation ouvertes par le P. Colin sous son généralat.

 

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POURQUOI ET COMMENT LE P. COLIN FONDA DES COLLÈGES

1. Valbenoîte.

 

Si l'on met à part le petit pensionnat de Belley, oeuvre restreinte et éphémère dans le cadre d'une maison destinée à d'autres fins, la première maison d'éducation ouverte par le P. Colin fut le collège de Valbenoîte en 1845.

On a vu qu'en 1831 M. Rouchon, curé de Valbenoîte et propriétaire de l'ancienne abbaye de ce nom, l'avait cédée aux Maristes à condition que, jusqu'à sa mort, ils lui fourniraient des vicaires (cf. supra, p. 63). M. Rouchon étant décédé en 1844, la Société pouvait disposer des bâtiments, et le P. Colin songea à y ouvrir un pensionnat.

Comme on était sous le régime du monopole, il fallut demander une autorisation au gouvernement et présenter un titulaire légal, qui fut le P. Delaunay, ancien direcieur du pensionnat de la Favorite devenu mariste. L'autorisation fut accordée, mais le P. Delaunay n'eut que le titre de « maître de pension », ce qui limitait les classes à la première moitié du cours secondaire.

Le collège, ouvert en janvier 1845 avec un personnel très jeune (pères de moins de trente ans), débuta bien. Malgré la loi, il eut bientôt toutes les classes secondaires et 90 élèves environ, c'est-à-dire autant qu'en pouvaient contenir les bâtiments. Mais des contestations sur la propriété et l'usage de l'abbaye décidèrent le P. Colin, en 1850, à transporter ce collège à Saint-Chamond.

A la fin de l'avant-dernière année scolaire, le 10 juillet 1849, lors d'une inondation dévastatrice, une statue de la Vierge chère aux élèves avait été préservée en des circonstances unanimement reconnues alors comme miraculeuses. Le transfert à Saint-Chamond de Notre-Dame de Valbenoîte, qui y est encore vénérée aujourd'hui, marqua la continuité spirituelle des deux établissements. Sur Saint-Chamond, cf. infra.

2. Langogne.

Langogne, petite ville de trois mille habitants située entre Mende et le Puy, avait depuis le début du XIXe siècle un collège communal, tenu par des prêtres du diocèse mais tombé en décadence. Le principal du collège en proposa la direction aux Maristes. Le P. Colin accepta provisoirement en 1847, tout en laissant la charge du temporel au titulaire précédent. Deux ans plus tard, la Société prit 1a charge totale du collège.

Les conditions de pauvreté dans lesquelles fut trouvé l'établissement ont fait l'objet de rapports héroï-comiques qui comptent parmi les pages les mieux venues des Mémoires du P. Mayet. Prise avec 95 élèves, la maison en compta 135 au bout de trois ans. Le recrutement était surtout campagnard.

Quand la Société eut relevé le collège matériellement et intellectuellement, le clergé du diocèse manifesta le désir de le reprendre. Le P. Colin annonça qu'il ne désirait pas lutter pour y rester, et le départ des Maristes s'effectua en 1855.

3. La Seyne-sur-mer.

Dans une maison de retraite pour ecclésiastiques où Mgr Douarre avait, en 1843, fait loger ses missionnaires, le P. Colin ouvrit en 1845, à la Seyne-sur-mer, près de Toulon, une résidence de missionnaires.

L'un des pères de la nouvelle résidence ayant accepté le préceptorat d'un fìls de marquis et s'en étant bien tiré, d'autres familles proposèrent leurs enfants. Dès 1846, le P. Colin eut ainsi l'idée de fonder à la Seyne un second pensionnat mariste.

L'autorisation gouvernementale fut, dans ce cas, longue à obtenir, et c'est seulement en mars 1849 que le pensionnat put être ouvert. On était encore sous le régime du monopole, mais un an plus tard, l'établissement put bénéficier du régime de liberté.

La maison commença avec un tout petit nombre d'elèves et une classe seulement du cycle secondaire. Les autres classes furent ajoutées au cours des années suivantes. En 1854, le collège comptait déjà 140 élèves, en grande partie fils d'officiers de marine.

De 1851 à 1855, le supérieur de l'établissement fut le bienheureux P. Eymard, qui y reçut plusieurs inspirations décisives pour la fondation des pères du Saint-Sacrement. Il reste une des gloires de ce collège, lequel appartient aujourd'hui encore à la Société.

4. Saint-Chamond.

La ville de Saint-Chamond, qui, au milieu du XIXe siècle, n'avait que 8500 habitants, était bien connue des Maristes, puisque l'Hermitage n'en est qu'à quelques minutes, que M. Terraillon y avait été curé et que M. Séon avait été quelque temps en stage au collège communal de la ville.

Ce collège, tenu par des ecclésiastiques, était, en 1850, tombé en décadence. La municipalité, désireuse de profiter des facilités ouvertes par la loi Falloux, en offrit la direction aux Maristes. Le P. Colin accepta et y transporta, à la rentrée de 1850, les professeurs et soixante élèves du collège de Valbenoîte, situé à douze kilomètres seulement.

Dès 1852, le collège comptait 100 élèves et 125 environ en 1854. En 1877, il fut transporté dans le nouveau bâtiment construit en dehors de la ville, où il se trouve encore aujourd'hui.

5. Brioude.

Comme Langogne et Saint-Chamond, la ville de Brioude (5000 habitants), située dans le diocèse du Puy, possédait, au milieu du siècle dernier, un collège communal qui périclitait faute d'élèves et d'une direction ferme. Profitant de la loi Falloux, un maire entreprenant décida de le relever en le transformant en établissement libre et en le confiant à la Société de Marie.

Celle-ci en prit possession à la rentrée de 1853, qui se fit avec 70 élèves. Tout de suite, on commença à agrandir les bâtiments. Dès la seconde année, cependant, le changement de supérieur contraria le maire, qui retira sa confiance à l'établissement, et la Société dut l'abandonner en 1856.

6. Montluçon.

Seul collège libre fondé directement par le P. Colin à la faveur de la loi Falloux, l'établissement de Montluçon (ville industrielle de 10.000 habitants) fut ouvert en 1853, à la demande d'un des curés de la ville, et débuta avec une cinquantaine d'élèves. La fondation était provisoire, mais le P. Favre, dès l'année suivante, la rendit définitive, et le collège dure encore aujourd'hui.

De ces brèves notes il ressort que le P. Colin a fondé ses différents collèges pour répondre à des besoins locaux, en se limitant à des villes d'importanee secondaire où ne se trouvaient pas d'autres congrégations religieuses. Il semble bien que l'on puisse reconnaître là une application de son principe général de choix des ministères: « Les Maristes sont pour faire ce que les autres ne veulent pas faire ». Mais il serait faux de croire pour autant que le P. Colin se soit résigné à n'avoir que des maisons d'éducation de seconde zone où régnerait une honnête médiocrité. Aussi bien est-il temps de regarder de plus près les caractéristiques principales de ces collèges, qui, malgré les circonstances différentes de leur fondation, avaient entre eux beaucoup de commun.

 

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PHYSIONOMIE DES COLLÈGES MARISTES

 1. Personnel.

Quand le P. Colin fondait un collège, il n'hésitait pas à y envoyer immédiatement une forte communauté de pères. En 1853-54, Brioude et Montluçon, qui en étaient à leur première année, avaient respectivement 14 pères pour 70 élèves et 10 pères pour 50 élèves. La même année, Saint-Chamond avait 18 pères pour 125 élèves, Langogne 15 pères pour 135 élèves, la Seyne 16 pères pour 140 élèves. On peut donc dire que, sous le généralat du P. Colin, il y avait en moyenne un père pour 6 ou 7 élèves, alors qu'aujourd'hui il y a, dans la province de Paris, un père pour 40 élèves.

On manque de données sur le nombre de professeurs laïcs, qui devait être restreint. A Valbenoîte, on signale la présence de plusieurs ordinands, pratiquement des scolastiques de dernière année en stage.

2. Instruction.

Tous les collèges maristes, sous le généralat du P. Colin, sont des collèges classiques, une nette prédominance étant donnée aux langues française, latine et grecque. Les mathématiques, physique et sciences naturelles ne sont pas négligées: un cabinet de physique est créé à la Seyne par le P. Eymard, qui inaugure également un cours préparatoire à l'école navale. On est mal renseigné sur la place tenue par l'étude des langues vivantes. Quant aux arts d'agrément, ils ont aussi leur place: à Belley, il y a au pensionnat un maître de musique, et au petit séminaire des cours de dessin sont donnés par le P. Philipon. En 1850, le P. Colin se préoccupera de faire établir des règles concernant les gymnases.

En dehors des classes, un rôle éducatif est dévolu aux séances académiques et pièces de théâtre, auxquelles sont invitées les notabilités et qui contribuent à établir la renommée de l'établissement.

La compétence des maîtres n'est pas à juger d'après les diplômes qu'ils possèdent - les bacheliers semblent avoir été très rares - mais d'après les résultats obtenus. A la Seyne, trois ans de suite, des mentions très bien sont obtenues au baccalauréat. A Saint-Chamond aussi, les succès sont bons. Pour ce qui est des lettres classiques, la formation acquise par les premiers Maristes dans les petits et grands séminaires était certainement susceptible d'en faire de bons professeurs. Pour les autres matières, le P. Colin pousse les jeunes à l'étude et met au programme du scolaslicat de Belley langues vivantes, mathématiques et même physique.

A partir de 1850, le P. Morcel est nommé directeur des études et parcourt en cette qualité les différents collèges de la Société pour veiller aux programmes et à la qualilé de l'enseignement.

3. Education humaine.

Au point de vue pédagogiquc, la Société doit beaucoup aux remarquables dons d'éducateur du P. Colin, qui a marqué profondément de sa personnalité le collège-séminaire de Belley, lequel fut par la suite le prototype des autres collèges maristes.

Sur les intuitions pédagogiques du P. Colin, sa manière de faire avec les enfants, ses conseils aux maîtres, on ne peut que rcnvoyer aux chapitres dans lesquels le P. Jeantin a résumé les meilleures pages des Mémoires Mayet sur le sujet (cf. JEANTIN, t. 4, pp. 241-276). On a là, beaucoup plus qu'une doctrine, l'expérience d'un homme.

Il est inconteslable que de cette influence du P. Colin et des premiers pères est né un style d'éducation mariste assez caractéristique. A partir des avis du P. Fondaleur ou du P. Maîtrepierre ainsi que des traits divers glanés par le P. Mayet, on peut s'essayer à en définir les éléments fondamentaux.

A la base, il faut sans doute placer l'existence d'une communauté éducatrice tout entière tendue vers son travail avec conscience de l'importance surnaturelle de ce dernier. Une profonde unité entre les pères est recommandée et réalisée grâce au souci qu'a chacun de ne pas faire son oeuvre propre, de ne pas chercher son prestige personnel, mais de faire taire ses préférences pour aller dans le sens tracé par le supérieur. On insiste beaucoup pour que chacun s'occupe à fond de son emploi sans interférer avec celui des autres et sans prétendre non plus à une autonomie complète dans le cercle de ses attributions.

A l'égard des enfants, une fois solidement établie une autorité indiscutée sans laquelle rien n'est possible, on se permet d'être large, de ne pas exiger plus qu'on ne peut raisonnablement attendre d'eux, mais d'obtenir de chacun ce qu'il peut donner. La pédagogie mariste est ainsi essentiellement personnelle, visant le bien de l'enfant et cherchant pour cela à connaître son caractère et à atteindre son coeur, que l'on gagne par la confiance, le respect, la loyauté, le pardon. A la base, se trouve chez l'éducateur mariste un réel amour de chaque enfant exigeant désintéressement et dévouement et ne recherchant pas l'affection comme telle.

Pratiquement, cette attitude pédagogique se traduit par un refus du système, encore courant alors, des censeurs et surveillants pris parmi les élèves; par l'absence de pratiques et réglementations trop minutieuses; par des punitions plutôt rares et médicinales, à l'exclusion de tout châtiment corporel; par le souci d'éviter au maximum les renvois, sauf en cas d'insubordination; par l'attention apportée à ne pas médire en communauté sur le compte des enfants; par le développement d'un esprit de famille entre élèves et maîtres dont témoignent les lettres adressées par le P. Colin aux élèves de divers collèges ou la demande faite par les élèves de la Seyne de pouvoir célébrer l'anniversaire de l'approbation de la Société.

Avec les parents, on s'efforce de conserver le plus possible de bonnes relations, même en cas d'exclusion, et on évite tout prosélytisme indiscret, suivant les principes généraux de l'apostolat caché. Il ne semble pas exister alors de réunions de parents ni d'organisme les associant d'une manière ou d'une autre à l'administration ou à la gestion de l'établissement.

Enfin, il faut noter que, avec la promesse faite par les anciens de Valbenoîte de se retrouver pour fêter l'anniversaire du miracle du 10 juillet, le germe était posé de ces réunions d'anciens auxquelles la Société accordera, dès le généralat du P. Favre, une grande importance.

4. Formation chrétienne.

Elle dépendait en grande partie du directeur spirituel, poste que les Maristes créaient immédiaternent même lorsqu'ils reprenaient un collège où il n'existait pas auparavant. Mais tous les professeurs étaient invités à se soucier du bien spirituel de leurs élèves, à prier pour eux et à les orienter, au besoin, vers le directeur.

On visait à développer chez les enfants une piété large et ouverte, avec un minimum de pratiques et une insistance sur la confession fréquente.

Une grande place était donnée, évidemment, à la dévotion mariale, élément essentiel de la pédagogie mariste et celui grâce auquel se réalisait le mieux l'union entre maîtres et élèves, conscients de vivre ensemble sous le regard d'une même mère et supérieure. Les moyens d'inculquer cette dévotion semblent avoir été sensiblement les mêmes dans tous les collèges: cérémonies de consécration à Marie, avec sa reconnaissance publique comme supérieure de la maison; installation triomphale de statues de la Vierge concrétisant le sentiment de la présence de Marie et rendant aisée la récitation de quelques Ave Maria devant elle à n'importe quelle heure du jour; organisation de congés en l'honneur des fêtes de la Vierge; enfin et surtout, organisation de congrégations mariales groupant un grand nombre d'élèves et permettant leur formation religieuse plus profonde. Sur cette pédagogie mariale, on trouvera un bon nombre d'éléments en JEANTIN, t. 2, pp. 47-59, à propos du petit séminaire de Belley.

5. Vie religieuse des pères.

On peut voir à ce propos JEANTIN, t. 4 pp. 279-288. Il est incontestable que, dans la pratique, sous le généralat du P. Colin, l'ensemble des pères était fidèle aux exercices de règle, ce que le personnel nombreux des maisons rendait plus aisé qu'aujourd'hui. Les difficultés ne tardèrent pas à venir dès le début du généralat du P. Favre. Par ailleurs, les pères ne faisaient pratiquement pas de ministère extérieur.

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GRANDS SÉMINAIRES

 Sur les circonstances dans lesquelles le P. Colin fut amené à accepter, sous son généralat, les grands séminaires de Moulins (1847), Digne (1849), Nevers (1852), et le petit séminaire de Digne en 1853, ainsi que sur les motifs qui l'y poussèrent, le P. JEANTIN donne, t. 2, pp. 197-202, quelques indications brèves mais que, dans l'état actuel des recherches, il n'est pas possible d'enrichir beaucoup.