COURS D'HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE MARIE
Auteur : Jean Coste S.M.
DEUXIÈME CONFÉRENCE
L'IDEE DE LA SOCIETE DE
MARIE
Principaux documents à consulter:
OM 1, doc. 418. OM 2, début des docc. 551; 591; 625; 714; 718; 750. OM 3, docc. 839, §§ 5. 9; 840, §§ 147-160; 845 ; 875 ; 879.
Voir aussi Acta S.M., t. 4, pp. 34-36; t. 5, pp. 274-280.
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LE NOM DE SOCIÉTÉ DE MARIE
Le titre de Societas Mariae ne figure, jusqu'à plus ample informé, dans aucun acte officiel du Saint-Siège avant le décret d'approbation de notre Société du 11 mars 1836 ( doc. 373) et le bref Omnium gentium, qui expédia ce décret. Depuis le XIIIe siècle, l'Eglise possède avec l'Ordo Servorum B. M. V. un ordre religieux spécifiquement et entièrement marial suivi de beaucoup d'autres au cours des siècles suivants. Aucune congrégation ne fut cependant approuvée avant la nôtre sous le nom de Societas Mariae, ce qui ne veut point dire que ce dernier ait été neuf au début du XIXe' siècle.
Dès le XVIIe siècle, le nom de Société ou Compagnie de Marie apparaît dans de pieux jeux de mots appliqués à la Compagnie de Jésus et destinés à exalter la dévotion mariale qui y règne.
Au début du XVIIIe siècle, s. Grignion de Montfort rédige les règles de prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie et jette les premières bases de cette congrégation. Décalque de Compagnie de Jésus, qui traduit en français Societas Iesu, le titre de Compagnie de Marie peut être considéré comme correspondant exactement au latin Societas Mariae. C'est sous ce titre que la congrégation de Montfort sera approuvée par Pie IX en 1853, après avoir été louée par Léon XII sous celui de missionnaires du Saint-Esprit en 1825.
En 1790, le P. de Clorivière, ancien Jésuite, conçoit le projet de deux sociétés religieuses: prêtres du Sacré-Cceur et fìlles du Coeur de Marie. Le plan de la seconde s'intitule expressément: « Plan de la Société de Marie ». Toutefois, cette dénomination n'est pas retenue par la suite.
En 1792, un clerc tonsuré, Bernard Dariès, a l'inspiration d'une Société de Marie, réplique de la Société de Jésus alors supprimée, et destinée à défendre le privilège de l'Immaculée-Conception. Emigré à Tolède, il communique son idée à quelques prêtres français, et une circulaire diffuse le plan de la société dans les principales villes d'Espagne où se trouvent des émigrés français. Le projet est abandonné par Dariès lui-même à la suite d'une dénonciation de ses doctrines à l'Inquisition (cf. OM 1, p. 959).
En 1797, à Saragosse, un autre émigré français, Guillaume-Joseph Chaminade, conçoit en priant devant la statue de Notre-Dame del Pilar le plan d'un vaste apostolat marial sous le nom et les auspices de la Vierge immaculée, qui grouperait diverses associations couronnées par une société de religieux. En 1817, il fondera effectivement, avec les meilleurs membres d'une congrégation mariale de jeunes gens, une Société de Marie approuvée sous ce titre par le gouvernement français en 1825, louée par le Saint-Siège en 1839 et approuvée par lui en 1865.
Conclusion. Préparé au cours des siècles précédents, le nom de Société de Marie apparaît de différents côtés à l'époque de la révolution française d'une manière indépendante. On peut dire qu'au début du XIXe siècle il est dans l'air.
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APPLIQUÉ À NOTRE SOCIÉTÉ, CE NOM VIENT DE M. COURVEILLE
Les témoignages des premiers aspirants maristes concordent sur ce point: c'est M. Courveille qui, au grand séminaire de Lyon en 1815, diffusa le nom et l'idée d'une Société de Marie. Voir les affirmations des PP. Déclas ( docc. 551, § 1; 591, § 5 ), Terraillon ( doc. 750, § 1 ), Séon ( doc. 625, § 1 ), corroborant celle de dom Courveille, qui fait remonter ce nom et cette idée à une inspiration reçue à la cathédrale du Puy le 15 août 1812 ( cf. doc. 714 ) .
Sur les circonstances de cette
inspiration, il faut écouter le récit fait par l'intéressé
lui-même dans une lettre au P. Mayet du 20 février 1852 [lire
ici le texte de la révélation du Puy: doc. 718,, § 5].
Contenu de la révélation. Essentiellement, elle consiste
en l'expression d'une volonté de Marie. Pour remplir sa mission
dans l'Eglise en ces derniers temps, la Vierge désire la
fondation d'une société qui porte son nom - et précisément
les vocables de Société de Marie et de Maristes -
en parallèle avec la mission départie, au XVIe siècle, à la
Société de Jésus.
Authenticité. On ne peut évidemment espérer que l'Eglise se prononce jamais sur l'authenticité d'une révélation de la sorte, surtout étant donné les ombres qui traversent la vie de celui qui dit en avoir été le bénéficiaire. Même au plan de la simple foi humaine, on est invité à la prudence. Toutefois, il y a de sérieux indices en faveur des affirmations de dom Courveille:
a) avant tout, son récit s'accorde bien avec celui du P. Déclas en 1844 (cf. doc. 591, §§ 5-6, et doc. 718, §§ 5-13). Le religieux bénédictin ne raconte donc pas en 1852 au P. Mayet une histoire différente de celle qu'il avait confiée à ses confrères du séminaire en 1815 et ne paraît pas, même à quarante ans des faits, se livrer à une reconstitution imaginative. Le contenu même de Ia révélation, que le P. Déclas ne donne pas, se reconstitue assez bien en additionnant ce que le P. Terraillon a retenu de l'idée de M. Courveille ( cf. docc. 705 et 750, § 3 ) et telle phrase chère au P. Colin qui paraît bien se référer à la révélation du Puy ( cf. doc. 422 et références indiquées là);
b) cette conformité substantielle entre les affirmations de 1815 et celles de 1852 exprimerait-elle seulement la fidélité à un schème narratif monté de toutes pièces par M. Courveille pour les besoins de sa cause dès le temps du séminaire? Ce serait fort invraisemblable. Le religieux qui écrit en 1852 expie depuis près de vingt ans dans le cloître les écarts de sa vie passée. Il n'a plus aucun intérêt à défendre et écrit à un inconnu. Il ne semble pas que l'on puisse, sans motifs graves, le soupçonner de vouloir tromper son correspondant en répétant une histoire inventée autrefois;
c) par ailleurs, dans ses réponses aux questions ultérieures du P. Mayet (cf. doc. 718, §§ 6-7), dom Courveille, loin d'embellir les choses, manifeste un réel souci de ne rien majorer et de s'en tenir à ce qu'il peut affirmer en conscience. Cette discrétion constitue, elle aussi, un indice en faveur de la crédibilité de son témoignage. On notera enfin que la pleine possession de ses facultés par le religieux au moment où il écrit ne peut être mise en doute (cf. doc. 790 ) .
Si l'on accepte ainsi en substancc le récit de dom Courveille, on n'hésitera pas à reteuir, en faveur de l'authenticité de la révélation qu'il rapporte, le jugement positif porté après examen par les directeurs du séminaire du Puy, mieux placés que nous pour apprécier le fait qui leur était soumis. On donnera toute sa valeur également à l'attitude du P. Colin, qui, invité par ses secrétaires à déclarer, lors de la controverse de 1870, que cette révélation dont faisait état M. Courveille était une illusion, refusa toujours de le faire, malgré l'intérêt qu'il aurait pu y avoir. Dans leur mémoire rédigé pour défendre le P. Fondateur contre les accusations du P. Maîtrepierre, les deux secrétaires ont dû enregistrer comme à regret cette constatation:
Le P. Fondatcur ne contestera pas même ce que l'on dit d'une révélation faite au Puy touchant la fondation dc la Société de Marie. Mais ce n'est pas là évidemment une fondation proprement dite. Il n'y a là aucune société existant et autorisée canoniquement. C'est un signe précurseur, une prophétie ou, si l'on veut, une aurore de la Société. Rien de plus. (Cf. doc. 840, § 163).
Tout en niant à juste titre que l'on puisse faire remonter en 1812 la fondation de la Société, le P. Colin ne croyait donc pas pouvoir écarter la révélation du Puy, et il y a là un indice de poids en faveur de cette dernière.
Avant de se prononcer, toutefois, sur la réalité et la nature d'un fait aussi délicat, il convient d'examiner deux questions connexes concernant cette première idée de la Société de Marie.
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M. COURVEILLE ET LA SOCIÉTÉ DE MARIE DE DARIÈS
M. Courveille, qui dit avoir reçu au Puy par inspiration l'idée d'une Société de Marie qui constituerait une réplique de la Société de Jésus, n'aurait-il pas pris en réalité cette idée dans le projet de Bernard Dariès dont il a été question plus haut et dont il aurait eu connaissance?
1. Le problème se pose, car il semble qu'à l'Hermitage vers 1830 on ait cru à la possibilité de cette influence. Ceci semble ressortir de trois documents convergents:
- une lettre copiée par le P. Champagnat dans un de ses cahiers et concernant la Société de Marie de Tolède - doc. 418;
- une déclaration du P. Séon en 1846 - doc. 625, §1 ; la confrontation avec doc. 714 indique que M. Séon avait parlé d'un prêtre espagnol;
- une déclaration du P. Chanut à Bon-Encontre en 1860 et suivant laquelle « M. Courveil, dit-on, aurait eu connaissance d'un écrit tracé par je ne sais quel ecclésiastique avant, pendant ou après la grande révolution de 1790, dans lequel écrit le plan de notre congrégation était formulé » (cf. doc. 799, § l ).
On trouvera en OM 3 les raisons qui invitent à penser que ces deux derniers documents se réfèrent au premier et témoignent qu'à l'Hermitage vers 1830 on se demanda un moment si M. Courveille ne se serait pas contenté de reprendre le projet Dariès, dont il aurait eu connaissance.
2. En fait:
a) ces textes prouvent seulement qu'une hypothèse avait été formulée à l'Hermitage. Ils ne contiennent aucune affirmation directe et nette d'un contact entre le projet de Tolède et Courveille;
b) par ailleurs, dom Courveille s'est inscrit en faux de la manière la plus catégorique contre les bruits rapportés par les PP. Séon et Chanut, qui lui avaient été rapportés par le P. Mayet ( cf. docc. 714 et 799, § 4 ) ;
c) enfin, l'arrivée jusqu'au Puy avant 1812 de données sur le projet de Société de Marie formé en Espagne est hautement improbable. Une étude attentive a permis d'établir qu'aucun prêtre du Puy n'émigra en Espagne, l'émigration de ce diocèse s'étant dirigée uniformément vers la Suisse et l'Italie. Le projet de Tolède a pu être connu dans le sud-ouest de la France, point de départ de l'émigration espagnole. Il a certainement influencé le fondateur des Fils de Marie immaculée de Chavagnes en Vendée, qui avait été un des compagnons de Dariès à Tolède. Il a pu être connu du P. Chaminade, dont le frère, émigré à Orense, avait été en correspondance avec Dariès. Seul un hasard des plus improbables aurait pu le porter à la connaissance d'un jeune homme d'Usson-en-Forez.
L'hypothèse d'une influence du projet Dariès sur le projet Courveille semble donc entièrement à abandonner.
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L'IDÉE DE LA SOCIÉTÉ CHEZ JEAN-CLAUDE COLIN AVANT 1815
Jean-Claude Courveille semble donc avoir eu en 1812, sans influence extérieure connue ni même probable, l'idée d'une Société de Marie. Mais Jean-Claude Colin ne l'avait-il pas eue avant lui, de sorte que le fait du Puy n'aurait qu'une valeur accidentelle et secondaire?
1. Le P. Colin a plusieurs fois affirmé avoir pensé à la Société avant son grand séminaire.
- Très tôt, même avant les scandales et la disparition de M. Courveille, l'abbé Colin a affirmé à mots couverts que ce dernier n'avait pas été le premier à avoir l'idée de la Société (cf. doc. 117, § 4, et sa note).
- En 1865, avant le début de la controverse historique sur les origines, il écrivit au P. Mayet: « M. Courveille n'a eu d'autre mérite dans l'oeuvre de la Société que celui de la manifester en 1815. D'autre, sans la manifester, avait la même idée de l'oeuvre » ( doc. 804, § 8 ) .
- En 1868-1869, sous la pression de ses secrétaires, il a même précisé:
a) qu'il avait eu l'idée de la Société avant de venir au grand séminaire de Lyon (cf. doc. 819, § 7);
b) qu'il avait même rédigé un petit projet (ibid.);
c) qu'il avait vu tous ceux qui devaient plus tard concourir avec lui. (Tous ces textes sont reproduits en JEANTIN, t. l, pp. 16-17).
2. Toutefois, on ne peut déduire de ces textes que Jean-Claude Colin ait eu avant 1815 le nom de Société de Marie ni l'idée claire d'une telle société.
- Il a reconnu lui-même que le nom vient de M. Courveille, non de lui. Le P. Jeantin, rapportant ses paroles au style indirect, écrit : "Il avait, avant de venir au séminaire, le projet d'une société consacrée, il est vrai, à la sainte Vierge; mais il n'avait pas le nom de Société de Marie. Ce nom vient de M. Courveille", (doc. 819, § 6, a).
- Les secrétaires, partant du présupposé qu'il y avait eu un fait miraculeux bien déterminé, une vision du P. Colin, à l'origine de la Société et désireux d'écarter par là les prétentions de M. Courveille, ont eu tendance à durcir dans leur sens les déclarations du P. Fondateur. En fait, il ne semble pas y avoir eu chez Jean-Claude Colin avant Cerdon de phénomène charismatique localisable dans le temps et l'espace où l'on pourrait chercher la première origine de la Société. Le P. Colin a dit lui-même que la Société avait été une idée de toute sa vie et a employé la comparaison du germe qui se développe insensiblement (textes édités en JEANTIN, t. 1, pp. 16-17). Cette lente croissance est à rapprocher de la maturation progressive de sa vie spirituelle et de sa vocation reli.gieuse :
a) au point de départ se trouve le tempérament de base du jeune Jean-Claude, orphelin timide et sensible habitué à vivre dans un monde intérieur déjà peuplé de présences spirituelles et animé d'une dévotion personnelle à Marie;
b) à quatorze ans, la crise de la première communion révèle le sérieux d'une vie intérieure qui se cherche et qui trouvera dans l'ambiance austère du petit séminaire les conditions d'une vraie solitude avec Dieu;
c) là, peut-être sous l'influence du Dieu seul de Boudon, Jean-Claude peut concevoir l'idée d'une association toute spirituelle sous le patronage de Marie et jeter quelques notes sur le papier;
d) à Verrières en 1812-13, il est déjà en contact avec Champagnat, Déclas, Terraillon, et peut discerner en eux des aptitudes spirituelles pour la société dont il rêve sans penser le moins du monde qu'il doive la réaliser lui-même;
e) au grand séminaire, l'idée de cette société est déjà assez forte en lui pour lui faire repousser toute invitation à s'associer à un autre projet jusqu'à sa rencontre avec Courveille.
Jean-Claude Colin en 1815 était donc spirituellement préparé à une société dont il portait dès longtemps l'aspiration en lui sans avoir songé ni à son nom ni à la manière dont elle prendrait corps. Dès ce moment, sans doute saisit-il plus profondément qu'aucun autre, grâce à cette préparation, la vocation, la mission et l'esprit de la société voulue par Marie. En ce sens, il pourra affirmer n'avoir pas attendu M. Courveille pour penser à la Société de Marie. Mais cela n'exclut nullement que le nom et l'idée précise de cette dernière remontent à ce qui s'est passé au Puy le 15 août 1812.
5
NATURE ET PORTÉE DE LA RÉVÉLATION DU PUY
C'est donc dans la cathédrale du Puy, le 15 août 1812, que l'idée de la Société de Marie à laquelle nous appartenons aujourd'hui se forma dans l'esprit d'un jeune homme de vingt-cinq ans, Jean-Claude Courveille.
La première conférence nous a laissé entrevoir les déficiences de son éducation, et la suite de l'histoire révélera en lui de tristes faiblesses de caractère, de jugement et de moeurs qui ne compromettront point pourtant un authentique désir d'être à Dieu dont trente ans de vie monastique attesteront le sérieux. Pour l'instant, c'est un jeune homme à l'ardente sensibilité, encore sous l'impression de la guérison obtenue trois ans plus tôt dans le même lieu, qui se consacre une fois de plus à Marie, anxieux de savoir ce qu'elle attend de lui.
La réponse, cette fois, ne se fait point attendre et s'impose à l'esprit de Jean-Claude Courveille d'une manière totalement inattendue qui le laisse dans un profond trouble intérieur. Ce n'est point une simple consolation spirituelle, l'invitation à plus de piété ou d'amour. C'est une idée précise dont le contenu envahit le champ de conscience avec une force qui laisse le sujet passif et subjugué. Il s'agit de la fondation d'une nouvelle société dont le nom et le but sont indiqués, dont la mission historique se dessine en parallèle avec celle de la Compagnie de Jésus et dont Marie demande la réalisation pour pouvoir par elle continuer à faire du bien dans l'Eglise.
D'où vient cette idée neuve qui surgit ainsi toute armée dans l'esprit du jeune homme abasourdi? De la Société de Jésus, alors supprimée mais jadis si active dans le pays depuis saint François Régis, il aura entendu parler et souhaiter le remplacement par quelque société digne d'elle. Qu'une société de ce genre pût se mettre sous la bannière de Marie et en prendre le nom, un P. de Clorivière, un Dariès, un P. Chaminade y avaient déjà songé. Le fils des marchands d'Usson n'en sait rien, bien sûr, mais il est des idées qui sont dans l'air et se cristalisent presque simultanément dans des esprits différents. Le « matériel » de son inspiration, Jean-Claude Courveille le porte donc au moins inconsciemment en lui.
Mais la fusion de tous ces éléments dans une idée qui s'empare d'une manière irrésistible de l'esprit et ne lui laisse plus de paix, l'assurance que cette société est voulue de Marie et doit se réaliser, voilà le fait nouveau, exceptionnel, dont une simple association d'idées ne suffit point à rendre compte. Il y a plus. De ce « plus », les directeurs du grand séminaire admettront l'existence après les épreuves de règle. Plus tard, le religieux bénédictin, qui a réfléchi sur son cas à la lumière de sainte Thérèse, le rapprochera prudemment, humblement, des « paroles intérieures » que décrit la grande mystique du Carmel. En pareil domaine, les classifications sont peu de chose et toujours bien approximatives. Mais que Courveille ait sans doute bénéficié d'une expérience intérieure à la fois insolite dans ses manifestations et d'une profondeur spirituelle particulière, on n'a pas de raison d'hésiter à l'admettre. Que ce fait, dont devait sortir une Société destinée à produire dans l'Eglise tant de fruits de sainteté et de conversion, soit entré dans les desseins salvifiques de Dieu, on aura encore moins envie de le contester. Le caractère exceptionnel du phénomène a servi pour le bénéficiaire et ses premiers compagnons de signe particulièrement net de cette divine volonté à laquelle nous savons comme eux que Marie est intimement et personnellement associée. Au milieu d'autres signes, tels les grâces prévenantes qui ont sensibilisé Jean-Claude Colin enfant aux valeurs mariales dont vivra plus tard la Société ou encore les motions et illuminatìons intérieures qui à Cerdon feront du timide vicaire un fondateur, le « fait du Puy » apparaît comme une de ces prévenances gratuites par lesquelles Dieu se plaît à guider et soutenir les hommes ou les oeuvres qui doivent travailler pour sa gloire. Aussi bien convient-il de lui donner toute sa place comme marquant la véritable origine du nom et de l'idée de notre Société et donnant le coup d'envoi à une oeuvre qui n'a pas fini, espérons-le, de glorifier Dieu et notre Dame.