COURS D'HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE MARIE

Auteur : Jean Coste S.M.


VINGTIÈME CONFÉRENCE
LES MINISTÈRES MARISTES SOUS LE GÉNÉRALAT
DU P. COLIN OEUVRES D'APOSTOLAT DIRECT

 

1

COUP D'OEIL D'ENSEMBLE

A la différence d'autres congrégations, surtout récentes, fondées pour répondre à un besoin pastoral précis, la Société de Marie n'a jamais eu pour but principal l'exercice de telle ou telle forme de ministère. Elle est définie depuis son origine par une double référence mystique et apostolique: appartenance à Marie et mission de travailler, sous son nom et à son exemple, au salut des âmes par tous les moyens (cf. docc. 718, § 5; 750, § 5; 50; ainsi que les 14° et 15° conférences).

Dans cette perspective, tous les ministères sont ouverts aux Maristes, leur mission propre étant de les exercer avec un « genre », une maníère de faire, un esprit puisés dans la méditatìon de Marie et de l'Eglise naissante et caractérisés par la formule Ignoti et quasi occulti (cf. 16° conférence).

Parmi tous ces ministères possibles, lesquels convient-il de choisir de préférence? La réponse de l'histoire est sur ce point très instructive. Prévu dès le début, le ministère des missions apud fìdeles s'imposa en 1825 comme celui qui permettait le mieux au groupe mariste de réaliser en commun son idéal apostolique, tout en restant théoriquement dans le cadre du clergé séculier et en répondant aux besoins de l'heure tels que les voyait un Mgr Devie. En 1829, la prise en charge du petit séminaire de Belley fut imposée par ce dernier et reconnue après coup seulement par le P. Colin comme providentielle pour l'avenir de la petite Société. Quant aux missions étrangères, on sait comment elles furent proposées aux Maristes à un moment où ils ne les cherchaient pas directement et acceptées dans le but manifeste d'obtenir du Saint-Siège l'approbation de la congrégation. On ne peut donc dire que, durant la période des origines, les ministères assumés par la Société furent l'objet d'un libre choix de sa part.

Sous son généralat, lorsqu'il fut maître de déterminer les orientations de la Société, le P. Colin garda le même souci fondamental de répondre aux besoins qui lui étaient manifestés, quels qu'ils fussent. Comme principe de choix, il donnait, à égalité de gloire de Dieu, la préférence aux oeuvres les plus pauvres, vers lesquelles on se porte d'ordinaire moins spontanément. Sa règle d'or était que les Maristes sont là « pour faire ce que les autres ne veulent pas faire », et il la mettait en pratique en s'effaçant dès qu'une oeuvre pouvait devenir l'objet d'une compétition soit avec le clergé séculier, soit avec une autre congrégation (cf. JEANTIN, t. 2, p. 190).

C'est en vertu de ce principe général que le P. Colin, comme la plupart des fondateurs religieux des siècles précédents ou ceux de son époque, refusait pour la Société de Marie la charge de paroisses. Comme un saint Alphonse de Liguori, un saint Paul de la Croix, un Mgr de Mazenod, il estìmait que l'Eglise trouverait toujours assez d'hommes pour exercer la charge curiale, qu'accompagne soit un bénéfìce soit une rémunération régulière. Et de fait, une cure était encore de son temps un poste convoité dans le monde ecclésiastique. Par ailleurs, quel que fût le bien qu'on pouvait y exercer, s'y lier c'était perdre la liberté d'action qui caractérise le missionnaire prêt à voler partout où on a besoin de son bras et compromettre la ferveur d'une vie religieuse qui doit se nourrir de détachement et d'obéissance (cf. JEANTIN, t. 2, pp. 204-208).

Les ministères envisagés par le P. Colin pour la Société étaient donc ceux que le clergé séculier ne peut normalement exercer, ceux qui exigent des troupes auxiliaires formées pour cela, ou encore, pour fixer les idées, tous ceux qu'accepte un corps apostolique comme celui des Jésuites. Dans cette catégorie entraient essentiellement, à l'époque du P. Fondateur, les missions auprès des infidèles, l'éducation de la jeunesse, et ces tâches complémentaires de prédìcation quì, en pays de chrétienté, ont pour but soit de réveiller la foi des fìdèles, soit d'annoncer la parole de Dieu à ceux qui, pour une raison ou pour une autre, se trouvent en marge de l'apostolat paroissial : pauvres, prisonniers, militaires, etc. C'est à ces oeuvres de prédication au sens large ou d'apostolat direct que sera consacrée la présente conférence, ce ministère ayant toujours eu, dans la pensée du P. Colin, la précédence sur celui de l'éducation.

 

2

LES RÉSIDENCES DE VILLE

l. Circonstances de leur fondation.

C'est essentiellement par la fondation de résidences de missionnaires que le P. Colin a permis à la Société d'exercer son rôle de prédication et d'apostolat direct. Mais toutes ces résidences n'ont pas la même origine.

Plusieurs d'entre elles sont nées du besoin qu'avait la Société de posséder une maìson dans une ville. Une fois établis, les Maristes se sont adonnés immédiatement aux oeuvres les plus diverses, mais la maison ne fut jamais exclusivement ni mêmc principalement une résidence missionnaire. Ainsi la Capucinière de Belley, ouverte en 1832 et qui, après avoir été maison-mère et pensionnat, resta, sous le généralat du P. Colin, un noviciat-scolasticat sans cesser d'être le pied-à-terre d'un groupe de missionnaires pour le diocèse de Belley. Ainsi la maison de Lyon (Puylata), achetée en 1837 pour être maison-mère et qui le resta tout en abritant quelque temps le noviciat, puis plus tard les jeunes prêtres qui se préparaient au ministère; malgré ces fonctions diverses, Puylata ne cessa pas, sous tout le généralat du P. Colin, d'être un centre actif de prédication et oeuvres diverses. Ainsi, enfin, la maison de Paris, originellement louée en 1843 pour servir de pied-à-terre aux missionnaires d'Océanie et qui devint le centre d'oeuvres très variées.

Ailleurs, au contraire, les Maristes s'établissent dans une ville sur appel exprès d'un évêque désireux d'avoir dans son diocèse une maison de missionnaires apud fideles. C'est le cas d'Agen en 1843, de Moulins en 1845, de Valenciennes en 1852. On peut assimiler à cette catégorie la maison de Riom, où une religieuse visitandine appela en 1853 les Maristes avec le consentement de l'évêque. Ce sont là les résidences missionnaires-types.

Enfin, il est intéressant de souligner le cas particulier de la résidence de Toulon, ouverte en 1852 pour permettre aux Maristes de soutenir une oeuvre fondée par eux à partir du collège voisin de la Seyne, à savoir l'Adoration nocturne, dont le P. Eymard était l'âme.

Sur toutes ces maisons, on peut voir des notices dans le tome 2 de l'ouvrage du P. Jeantin ou dans les tomes 1 et 2 des Annales de la Société de Marie en Europe et en Amérique du P. Grenot. Plutôt que de résumer ces données historiques, on préfère grouper ci-dessous quelques remarques d'ensemble sur les activités de ce genre de résidences.

2. Activités.

a) Une première forme de ministère commune à toutes les résidences de ville s'exerce dans la maison même: c'est la confession tant des fidèles que des prêtres. A Lyon, un Pierre Colin et un P. Terraillon passent ainsi le plus clair de leur temps à confesser. A noter également, comme forme d'apostolat s'exerçant à la maison, la très intéressante tentative de réunion des locataires de l'immeuble de Puylata (cf. JEANTIN, t. 2, pp. 69-73). L'archevêché la fit suspendre par prudence, mais elle reste le symbole du souci que toute maison mariste devrait garder du bien spirituel de ses voisins immédiats.

b) Il est clair toutefois que l'activité des confrères s'exerce principalement au dehors, avant tout par les prédications de type classique dans les paroisses. Ces prédications revêtent alors diverses formes.

- En tête vient évidemment la mission proprement dite, qui dure de trois à cinq semaines et où trois ou quatre confrères se rendent sous l'autorité d'un chef de mission. Leur genre ne diffère pas essentiellement de celui des missions des premiers Maristes dans le Bugey, dont il a déjà été longuement question. En général, cependant, les conditions matérielles sont moins dures, on n'a plus à liquider le passé de la révolution et la mission n'a plus le caractère un peu combatif qu'elle avait presque fatalement sous la restauration. Il s'agit surtout de réveiller la foi et la pratique là où elles ont fléchi, de faire face aux nouvelles formes d'indifférence ou d'anticléricalisme nées de la crise religieuse donl il a déjà été parlé (cf. 16e conférence). Ici ou là, on a affaire au protestantisme, comme dans la mission de Meysse en Ardèche, qui déclenche un mouvement de conversion. Dans les pays de solide tradition chrétienne, la mission arrive à toucher la presque totalité des habitants, ce qui suppose un exténuant travail de confessionnal. Sur ces missions, cf. JEANTIN, t. 2, pp. 63-76.

- Après la mission proprement dite, l'occasion de prédication la plus fréquente est la station de carême ou d'avent, voire du saint sacrement. A l'occasion de ces temps privilégiés, les fidèles viennent encore nombreux écouter des cycles de sermons qui repassent les vérités essentielles de la religion. Dans certaines régions où les curés redoutent les missions (v.g. les diocèses du midi), ces stations constituent même l'unique circonstance dans laquelle les missionnaires peuvent exercer leur ministère.

- Le jubilé - sous le généralat du P. Colin, il y en eut un en 1851 - constitue également une occasion de recourir aux prédicateurs, qui, à cette époque, sont accablés de travail.

- Autre forme de prédication classique : la retraite donnée aux ecclésiastiques ou aux communautés. La résidence de Paris surtout semble s'être signalée, avant 1854, dans ce ministère, qui prendra plus d'extension par la suite dans la Société.

- Enfin, il convient de signaler la participation des Maristes à la mission générale donnée simultanément, en 1853, dans toutes les paroisses de Lyon par plusieurs congrégations missionnaires. Cette forme de collaboration entrait au premier chef dans l'esprit de la Société.

Dans l'état actuel des recherches, il est difficile d'évaluer avec des chiffres précis l'activité des Maristes dans les résidences. Bien qu'elle déborde le cadre du généralat du P. Colin, citons la statistique de la résidence de Valenciennes pour les huit premières années de son existence (1852-1860): 114 missions, 12 carêmes ou avents, 203 retraites. La résidence ayant eu durant cette période une moyenne de quatre pères, ces chiffres représentent un travail écrasant et confirment l'impression qui ressort des lettres et rapports de l'époque pour l'ensemble de la Société, à savoir que les confrères ne ménageaient pas leur peine, passant souvent sans repos d' une mission à l'autre.

c) En plus de ce travail de prédication, les résidences maristes font face, grâce à des oeuvres très diverses, aux besoins de la ville où elles se trouvent. On est en général assez mal renseigné à leur sujet, et on ne peut guère que les signaler.

- La plus ordinaire de toutes est celle des catéchismes, surtout dans les grands centres tels que Lyon et Paris. A Paris, les pères donnent aussi des cours d'instruction religieuse dans des institutions.

- La visite des prisonniers est aussi chère aux Maristes et se pratique notamment à Lyon et à Toulon, cette dernière ville abritant alors le bagne. A Lyon, les confrères visitent également le dépôt de mendicité.

- A Paris, le P. Viclor Capouillet, ancien militaire, a entrepris un apostolat auprès des soldats qu'il continuera plus tard en Italie comme aumônier des zouaves pontificaux.

- Dans ce que l'on appellerait aujourd'hui les oeuvres sociales, il faut signaler l'oeuvre des maçons à Lyon, celle des jeunes économes à Paris, celle des apprentis à Valenciennes.

- Enfin, sur le terrain des oeuvres de piété proprement dites (confréries, associations) une mention toute spéciale doit être faite de l'oeuvre de l'adoration nocturne, dans l'établissement de laquelle les Maristes jouent un rôle décisif à Paris, Lyon et Toulon. L'oeuvre de l'adoration nocturne à domicile, notamment, doit beaucoup aux Maristes, qui en assureront plus tard la survie.

d) Enfin, en plus de la prédication et des oeuvres de tout genre, les Maristes exercent aussi en plusieurs endroits une autre forme de ministère : le soin des communautés de religieuses, à titre de confesseurs ou d'aumôniers. Personnellement, le P. Colin n'est pas en faveur de ce ministère, qui n'exista qu'exceptionnellement à Lyon et à Belley. Mais à Paris, il prend une grande extension, en partie comme moyen d'assurer le gagne-pain des pères. Le P. Fondateur protestera contre cet excès et plus tard se montrera très réservé à ce sujet dans les constitutions. Un grand bien se fit néanmoins par là tant à Paris avec un P. Bertholon qu'à Agen avec un P. Convers. Ici et là, de nombreuses communautés durent aux Maristes de profondes et durables réformes.

 

 

3

CENTRES DE PÈLERINAGE 

1. Circonstances de leur fondation.

Sous le généralat du P. Colin, la Société accepta trois centres de pèlerinage marials: Notre-Dame de Verdelais, Notre-Dame-des-Grâces à Rochefort-du-Gard, Notre-Dame de Bon-Encontre près d'Agen.

La charge du pèlerinage de Verdelais fut confiée à la Société de Marie par Mgr Donnet, archevêque de Bordeaux, qui avait été compagnon du P. Colin au grand séminaire. Le sanctuaire étant également paroisse, la Société dut accepter la charge curiale, mais à plusieurs reprises le P. Colin chercha en vain à s'en défaire. En outre, dès le début il était entendu que Verdelais serait un centre de missionnaires, ce qu'il fut en effet.

Le sanctuaire de Rochefort, isolé sur un piton rocheux, est le type du centre de pèlerinage libre de toutes obligations paroissiales. Le P. Colin l'accepta en 1846 à la demande de l'évêque, au double titre de centre de pèlerinage et de centre missionnaire.

En 1847, les Maristes d'Agen s'étaient transportés au couvent de Bon-Encontre, qui leur servit quatre ans de résidence, le pèlerinage restant entre les mains du curé. En 1851, cependant, le pèlerinage et la cure passèrent à la Société, afin de remédier aux inévitables frictions. Bien entendu, la maison demeurait un centre de missionnaires.

Dans chacun de ces cas, il s'agissait d'exercer un apostolat efficace dans la région, à la fois en redonnant vie à un ancien pèlerinage tombé en désuétude depuis la révolution et en procurant des missionnaires à un pays qui en manquait. Convoiter un centre de pèlerinage fréquenté en raison des ressources qu'il peut offrir est un sentiment qui n'aurait pu traverser l'esprit du P. Colin.

2. Activités.

La principale activité de ces centres de pèlerinage est évidemment l'accueil des pèlerins au moment de la fête principale et durant toute la période où il y a « concours de peuple », généralement en août-septembre. Pour les grandes circonstances, il faut non seulemcnt confesser jour et nuit mais aussi loger et encadrer des foules qui viennent à pied et campent dans le sanctuaire, comme de nos jours encore à Pratola. A Rochefort, le P. Séon construit dans ce but une grande hôtellerie.

A la maison se donnent aussi des retraites, bien que ce genre d'exercices ait été alors nettement moins répandu que de nos jours. A Rochefort, l'évêque demande en 1853 qu'il y en ait quatre fois par an, mais dès l'année suivante ce chiffre doit être réduit à deux.

Enfin, durant l'hiver, l'avent et le carême, les pères partent en mission ou en « stations » dans le diocèse ou les diocèses voisins, retrouvant une forme d'apostolat identique à celle de leurs confrères de ville.

 

4

 

EFFORTS DE PÉNÉTRATION MISSIONNAIRE

 Sous ce titre, on tient à signaler ici deux initiatives apostoliques très différentes l'une de l'autre mais qui toutes deux sortent un peu du cadre des oeuvres plus classiques mentionnées ci-dessus et, en un certain sens, s'apparentent au travail missionnaire qui fut, sous le généralat du P. Colin, celui des confrères d'Océanie. Ce sont la mission du P. Convers dans l'Angoumois en 1838-39 et la mission de Spitalfields à Londres, acceptée par la Société en 1850.

Le sud-ouest fut la première région rurale de France à connaître, au XIXe siècle, une baisse du taux de natalité et la crise religieuse dont cette baisse est généralement le signe. C'est ainsi qu'en Charente, sous la monarchie de juillet, après l'épiscopat d'un ancien évêque constitutionnel, existait déjà un état général de désaffection et d'hostilité à l'égard de la religion encore rare à cette époque. Le P. Colin, instamment sollicité de s'intéresser à cette situation pitoyable, envoya là-bas le P. Convers. Ce dernier entreprit un apostolat itinérant, visitant villages et hameaux, cherchant à habituer les gens à la vue du prêtre. Ne pouvant, en raison des préventions des habitants, entrer dans les maisons, il engageait la conversation dans la rue, sous un hangar, devant le four public, profitant des jours de pluie, où les travaux de la campagne sont suspendus. Après avoir répondu aux griefs souvent virulents qui lui étaient faits contre l'Eglise et le clergé, il commençait à instruire positivement. Dans plusieurs villages, des cérémonies de première communion attirèrent à l'église des gens qu'une mission n'aurait pu y amener. Puis le P. Convers fut employé dans la ville de Cognac - celle qui a donné son nom à la liqueur bien connue - à apaiser une population qui refusait de recevoir le curé nommé par l'évêché. Diverses circonstances ne permirent pas à la Société de fonder un établissement stable dans ce diocèse. L'établissement des Maristes à Verdelais fut cependant une des conséquences de cet authentique travail de pénétration missionnaire du P. Convers.

A Londres, les Maristes furent appelés par M. Quiblier, un Sulpicien, ancien supérieur du grand séminaire de Montréal, qui connaissait le P. Colin et avait commencé, dans le quartier misérable de Spitalfields à l'est de la ville, un travail d'assistance religieuse à phisieurs milliers d'Irlandais catholiques qui y vivaient. Le P. Colin n'hésita pas à envoyer jusqu'à six pères pour continuer et développer le travail de M. Quiblier, qui se mit sous leur direction. Les débuts furent difficiles, notamment à cause de la langue. Comme il s'agissait d'une mission en pays non catholique, la Propagation de la Foi fournit une aide généreuse grâce à laquelle purent être construits un presbytère et, plus tard, une église - St. Anne's. On manque malheureusement de détails sur le genre de travail des pères à la période héroïque qui précéda ces constructions. Mais il est clair qu'il s'agissait là, au départ, d'une entreprise vraiment courageuse et désintéressée.

 

5

BILAN

De ce rapide tour d'horizon sur les oeuvres d'apostolat direct entreprises par les Maristes sous le généralat du P. Colin, trois remarques principales se dégagent.

Les formes de ministère acceptées par le supérieur général pour sa congrégation sont restées, d'une manière générale, dans le cadre des activités normales de religieux qui comptent la prédication comme un de leurs buts principaux. Réveiller la foi chez les fidèles, assurer l'instruction religieuse à ceux que les paroisses n'atteignent pas, procurer au confessionnal le retour à Dieu ou l'avancement spirituel de centaines de milliers d'âmes, voilà des tâches à travers lesquelles il est difficile à une congrégation, à une communauté, à un homme de se faire un nom et de passer à la grande histoire. Mais c'est là le pain quotidien du rninistère apostolique dont aucune formule neuve ne dispensera jamais et, en le distribuant courageusement et simplement partout où ils en étaient requis, les Maristes pouvaient avoir conscience d'êtrc fondamentalement fidèles à leur vocation.

Par ailleurs, tout en restant dans le cadre des ministères qui étaient classiques à leur époque, nos confrères, comme on l'a vu, ne se sont nullement limités à une simple routine de prédication. Tant sur le plan des oeuvres particulières destinées à secourir spirituellement telle ou telle catégorie de fidèles qu'au niveau des mouvements de piété, les résidences maristes ont su aller de l'avant et ne bouder aucune des initiatives apostoliques de leur siècle.

Certes, avec le recul du temps, on se rend mieux compte aujourd'hui de ce qui aurait pu être fait alors dans certains domaines comme celui de l'apostolat ouvrier, et on pourra toujours regretter que ne soient pas surgis du sein de la Société des pionniers qui seraient allés au devant des besoins d'un monde qui naissait sous leurs yeux. S'en consoler trop vite en évoquant la vocation qu'a la Société de Marie de rester inconnue et cachée serait sans aucun doute trahir la vraie portée de cette formule apostolique. Mais inversement, faire supporter au genre d'apostolat mariste, tel que le P. Colin l'a défini et fait pratiqucr à ses fils, la responsabilité d'un tel état de choses serait profondément injuste, car les causes en sont beaucoup plus complexes. En définitive, il n'est pas une période de l'histoire mariste dans laquelle l'idéal entrevu, avec l'aide de Dieu, par notre fondateur ait été sinon pleinement atteint, au moins plus généreusement poursuivi, et, en ce sens, ces dix-huit ans d'apostolat demeurent un pressant exemple pour les générations maristes suivantes qui, sous des modalités diverses, ont à remplir la même tâche généreuse et obscure au service de l'Eglise de leur temps.